Conseils pour bien remplir son four céramique

Four céramique : enfournement et cuisson

Sommaire

Équilibrer le nombre de pièces dans le four

Connaître son four grâce au défournement

Email avant cuisson : attention fragile !

Préparer un bon enfournement     

Dernière consigne avant l’action

Avec l’expérience, le potier sait quelle pièce il va créer quand il s’installe au tour. Il sait aussi quel émail il posera.     

De la même façon, bien connaître les astuces pour remplir correctement son four s’acquiert avec le temps. Combien de pièces vais-je mettre ? De quelles tailles ? Où vais-je les placer ?

Avec la pratique, le potier arrivera à une expertise telle que, dès le début, il saura à quel endroit il placera sa poterie dans le four pour obtenir le résultat qu’il souhaite.

Équilibrer le nombre de pièces dans le four

L’enfournement des pièces est une opération délicate qui s’apprend et s’anticipe dès le tournage.          

  • Ne tourner que de grandes pièces remplit vite le four, mais fait perdre beaucoup de place. La cuisson n’est donc pas rentable, elle provoque un gaspillage d’énergie et de temps. Dans un four à gaz, la flamme risque d’être aspirée trop vite, empêchant la bonne répartition de la cuisson de réduction.  

  • Ne cuire que de petites pièces peut donner l’impression de mieux rentabiliser le temps de cuisson au four. En fait, on se retrouve à serrer les pièces et à utiliser trop de plaques, ce qui est aussi de la place perdue ; dans un four à gaz, la flamme n’aura pas assez de place pour circuler de manière égale dans l’ensemble du four. Par ailleurs, on risque la surchauffe, car la terre et le matériel d’enfournement gardent la chaleur. Un four vide refroidit très vite, au contraire d’un four plein. Il faut veiller à ne pas trop le surcharger.  

 

  • Il arrive que l’on soit amené à cuire des pièces très proches les unes des autres : c’est le cas pour les assiettes par exemple où là, effectivement, on se retrouve avec des étages de faible hauteur et donc des plaques très rapprochées. Lorsqu’il y a peu d’espace entre les plaques, il est préférable de cuire plus lentement les 150°C derniers degrés, 1 °C par minute maximum, pour permettre une bonne répartition de la chaleur. Cela évite la surchauffe côté brûleur, ou le manque de fusibilité de l’émail à l’opposé des brûleurs.

On l’aura compris, un bon enfournement implique une répartition équilibrée des pièces de différentes tailles. Dans tous les cas, il faut laisser un peu d’espace entre le haut des pièces et la nouvelle plaque pour que la flamme circule au mieux dans l’ensemble du four, et que la chaleur soit la plus uniforme possible, d’autant plus que les poteries se dilatent pendant la cuisson. La prudence appelle donc à ne pas serrer les pièces au maximum.

Cela est vrai pour tous les fours, car ce n’est pas une question de combustible (gaz ou électricité), mais de rayonnement de chaleur. Les poteries, les plaques et les piliers emmagasinent la chaleur puis la restituent au cours du refroidissement.     

Connaître son four grâce au défournement     

  
Au début, et c’est bien normal, on enfourne un peu à l’aveugle, mais chaque cuisson céramique nous apprend à connaître le four. On peut avoir travaillé auprès d’un professionnel, et avoir acheté un four proche de celui de son professeur, il faudra néanmoins découvrir par soi-même son propre four. Chaque four est différent : le vôtre sera plus récent que celui de votre professeur, ou plus ancien si c’est une occasion qui a déjà pas mal vécu… il y a toujours des paramètres qui font qu’un four est différent d’un autre.


Le défournement est donc, lui aussi, un moment crucial qui va nous apporter une multitude d’informations précieuses sur la manière dont s’est déroulée la cuisson. Notre conseil : garder des traces de chaque cuisson. Il est même conseillé de prendre des photos de chaque étage de poteries et de garder en mémoire à quelle hauteur dans le four se trouvaient les poteries.

Les zones froides et chaudes du four

Il n’est pas rare en effet de constater des différences de fusion, de couleur… qui révèlent les zones « froides » du four d’une part, et dans un four à gaz, en cuisson de réduction, des zones moins réduites, voire pas du tout réduites d’autre part.

Ainsi, on met en lumière, au sein d’une cuisson en réduction à haute température, des zones qui n’atteignent pas exactement la température voulue, et qui restent oxydantes.       
Petit rappel : la réduction est la phase au cours de laquelle on va réduire la quantité d’oxygène. En manque d’oxygène, le monoxyde de carbone (CO), issu du combustible, va se consumer en allant chercher sa deuxième molécule d’oxygène non pas dans l’atmosphère du four, mais dans la terre et les émaux.

Quand on découvre des différences de fusion et d’atmosphère, cela ne veut pas dire que le four est de mauvaise qualité. Parfois, on ne parvient pas à corriger les différences, particulièrement avec les fours à gaz de moins de 300 litres.

 
Cette situation peut aussi apparaître dans les fours à enfournement vertical (qui ne sont pas considérés comme des fours professionnels, mais comme des fours « hobbies »). Les fours à enfournement vertical sont de conception plus simple que les fours types « armoire », ce qui en fait des fours moins onéreux, mais souvent moins performants. (Voir notre article sur le choix d’un four).


Il convient alors d’émailler les pièces qui seront placées dans la zone dite « froide », avec un émail dont le point de fusion est plus bas et pour une cuisson de réduction, dans ce même point, placer des pièces qui donneront de beaux émaux en oxydation (car la réduction risque de ne pas être aussi efficace à cet endroit-là, surtout pour certains fours à flamme renversée). C’est une manière de tirer un avantage des limites d’un four. Ces zones dites « froides » sont généralement sur la sole (en bas).      
À l’inverse, on peut découvrir des zones plus chaudes que prévu et en tirer aussi de beaux avantages. Dans une cuisson de réduction, l’émail d’une pièce à mi-hauteur peut donner un rouge de cuivre flamboyant (zone en réduction) et un vert de cuivre sur une pièce posée sur la sole (zone restée oxydante).

Mieux encore : une pièce qui se trouve à la limite de la zone réduction/oxydation peut donner les deux couleurs. Les clients sont avides de ce genre d’explication qui révèle à quel point une pièce devient véritablement unique.

Petit récipient pour des essais d’émaux : 2 % d’oxyde de cuivre noir dans un émail transparent, l’étoile gravée montre la transparence. Email du diagramme 9 du livre Les émaux de grès de Daniel de Montmollin. En oxydation, l’émail donne du vert, et en réduction, nous avons un rouge de cuivre. Cet émail passe très bien aussi dans un four électrique, où il restera vert.


Dans un four électrique, il n’y a pas de problème oxydation/réduction puisque l’atmosphère de cuisson dans un four électrique est dite « neutre ». Les résistances ne produisent que de la chaleur. Il peut cependant y avoir des zones moins chaudes que d’autres : certains fours électriques ont des résistances même sur la porte donc la chaleur sera plus uniforme qu’un four électrique qui n’en a que sur les parois. L’expérience dira si la différence est notable au point d’affecter les couleurs et la texture. Et dans les fours verticaux, il fautdes résistances sous la sole du four (c’est-à-dire en bas) pour justement éviter les différences de température, car la chaleur a toujours tendance à monter dans le haut du four.

Email avant cuisson : attention, fragile !

Sur une poterie avant cuisson, l’émail est très fragile et il faut réduire au maximum les manipulations, car on risque à chaque fois d’enlever des morceaux de l’émail qui a été posé. Cela arrive quand l’émail est encore humide, il reste collé aux doigts. Il faut donc émailler suffisamment longtemps avant l’enfournement pour que tout soit bien sec et poser la pièce directement dans le four en une ou deux manipulations. Une maladresse oblige à faire un raccord qui peut se voir après la cuisson.

Si jamais vous émaillez chez vous, mais que vous cuisez ailleurs, n’oubliez pas que lors du déplacement d’une céramique émaillée non cuite, les risques sont importants de provoquer des défauts d’émail, il ne faut pas que les pièces se touchent ou se cognent !

Il faut installer les pièces une à une, c’est un travail long et fastidieux, puis les transporter en voiture parfois sur de grandes distances… L’astuce est de transporter les céramiques légèrement enfoncées dans une plaque d’argile molle pour provoquer un effet ventouse entre la céramique et l’argile. On peut utiliser une cagette ou un grand couvercle de poubelle pour faciliter le maintien de l’argile.

Préparer un bon enfournement     
           

Il y a une solution très efficace avant d’émailler, mais qui demande un peu de place : c’est d’avoir des morceaux de carton de la taille des plaques de cuisson céramique. On peut aussi utiliser directement les plaques d’enfournement.

Une fois les pièces passées au dégourdi (ou cuisson de biscuit, c’est-à-dire la première cuisson à 980 °C qui durcit la poterie avant l’émaillage en vue de la seconde cuisson), on peut simuler un enfournement sur ces plaques pour visualiser ainsi parfaitement à quoi ressemblera le four d’émail une fois rempli.         


Comment s’y prendre ?      

Il s’agit de poser les pièces sur le carton (ou les plaques) comme si elles étaient dans le four. Une fois que l’on est sûr de la place des pièces, on leur attribue un numéro, sur un morceau de papier que l’on met dans le pot. On n’oublie pas de mesurer la hauteur, épaisseur des plaques comprises.

Ensuite, on reprend les poteries pour les ordonner en fonction de l’émail qui va être posé. Mais quand on enlève une pièce, on écrit son numéro sur le carton.
Pour émailler, bien sûr on retire le papier puis on le remet à l’intérieur (si l’émail sèche tout de suite) ou on le coince sous la pièce.


Au moment de l’enfournement : on prend les cartons un à un avec les numéros écrits dessus et on sait par quelles pièces commencer. Et ainsi de suite jusqu’en haut.

Cela peut sembler contraignant au début, mais cette méthode fait gagner énormément de temps par la suite, surtout si dans un même four, on a différents émaux et des superpositions.
Ainsi, on émaille à la chaîne les pièces qui reçoivent le même émail, sans risquer de se tromper (avec tout ce que cela impliquerait : ressortir un émail, laver les louches et/ou le pistolet, remettre en route le compresseur, la cabine d’émaillage… )
Ce procédé se révèlera particulièrement pratique pour les fours à enfournement par le haut, parce que la pose de chaque nouvelle plaque rend invisible ce qu’il y a en dessous.

Autre conséquence : on n’émaille que les pièces à enfourner, on ne se retrouve pas avec des pièces « en trop », qu’on essaye de placer coûte que coûte dans le four ; c’est d’ailleurs dans ces moments-là qu’on abîme l’émail.                 
Une fois les pièces émaillées, l’enfournement est rapide, les pièces sont placées directement au bon endroit. Le gain de temps est réel, et le risque d’abîmer l’émail s’en trouve franchement réduit.    

Dernière consigne avant l’action   

Il faut toujours utiliser des cônes pyrométriques. Il y aura un jeu de cônes en face du regard du four et on veillera à noter la température du pyromètre quand les cônes tomberont. Le cône courbé dont la tête touche la plaque indique la bonne température.

En prenant comme exemple les cônes proposés par Céradel :

  • on peut mettre un premier cône témoin à 985 °C pour s’assurer que la température est atteinte rapidement, en 3 heures (les pièces étant déjà cuites lors du dégourdi, ce n’est pas la peine de faire durer la cuisson lors de cette étape).
  • En revanche, on passera de 985 °C à 1278 °C en 3,5 heures, pour que l’émail ait le temps de maturer. Ainsi, on aura un cône témoin à 1278 °C, et un cône à 1303 °C qui, lui, ne se courbera pas. Si votre four possède un trou de regard, vous pouvez placer ces trois cônes de façon à ce qu’ils soient visibles par le trou de regard au cours de la cuisson. Si votre four ne possède pas de trou de regard, les cônes seront toute de même utiles comme témoins au défournement.
Montres pyrométriques

Pour connaître son four, au minimum 5 jeux de cônes pyrométriques seront nécessaires.
Lors des premières cuissons, il faudra en mettre au moins 2 sur la sole du four : 1 à l’avant et 1 à l’arrière. Et si le four est grand, on en mettra sur les côtés et au milieu.             Idem à mi-hauteur et en haut du four.

Ainsi chaque jeu de cônes pyrométriques sera témoin de la température réelle à chaque endroit du four, et lors du défournement, il faudra les analyser en parallèle avec le jeu qui était visible au regard.

Il est tout à fait possible que le cône 1278 °C soit bien tombé à mi-hauteur du four alors qu’il est à peine courbé sur la sole. Il faut noter cette information et en tenir compte pour l’émail des poteries qui seront cuites à cet endroit.

Nous vous conseillons de tenir un carnet de bord, dans lequel vous datez les cuissons et notez tout ce qui doit être analysé au cours du défournement, étage par étage. Et comme on l’a dit plus haut, pensez à faire des photos et à les coller dans ce carnet. Ainsi, vous vous forgez une véritable expérience qui permet de progresser d’une cuisson à l’autre.

Quand on cuit souvent, on n’oublie pas ce qui s’est passé d’une cuisson à l’autre. Mais si on reste plusieurs semaines, ou même quelques mois, sans cuire, ces notes seront très précieuses pour s’y remettre !


Avec ces conseils, vous remplirez votre four et commencerez vos cuissons dans un cadre rassurant.

 

Centre de ressources
animé par Matthieu Liévois,
potier-céramiste depuis plus de 40 ans et fondateur de l’école Créamik

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