Tout comprendre sur l’émail céramique

Émail céramique : comment ça marche

Si l’école Créamik s’est spécialisée, entre autres, dans l’enseignement de la création et de l’application des émaux grâce au travail approfondi de Matthieu Liévois depuis plus de 45 ans, l’univers de l’émaillage reste parfois bien mystérieux pour ceux qui le découvrent.

Vous trouverez dans cet article les explications de base pour comprendre ce qu’est un émail, à quoi il sert, quelle est sa composition et comment l’appliquer. Acquérir une première vision globale de l’émaillage des poteries est important, pour approfondir ensuite le sujet et pourquoi pas se lancer dans l’aventure !

Tout questionnement reste justifié. N’hésitez donc pas à lire cet article en détail, et à poser des questions en commentaires, si certaines choses sont encore un peu floues pour vous. Nous serons là pour y répondre.

Sommaire:

Qu’appelle-t-on un émail céramique ?

A quoi sert l’émail ?

Protéger une céramique

Décorer une céramique

Quelle est la composition de l’émail céramique ?

La silice, l’ingrédient principal

Pourquoi le mélange de poudres est-il indispensable ?

La couleur grâce aux oxydes métalliques

Comment différencier les oxydes colorants des autres poudres ?

Les secrets de la création d’une recette d’émail

Comment appliquer l’émail sur la céramique ?

Les techniques d’application de l’émail

L’importance de la cuisson

Qu’appelle-t-on un émail céramique ?

Un émail est un verre fondu qui recouvre une céramique et la protège. Il est fabriqué en mélangeant dans de l’eau des poudres de roches broyées que l’on trouve dans la nature, comme la silice (l’ingrédient principal), le kaolin et le feldspath

Une fois appliqué sur la céramique, un émail doit être cuit à très haute température pour fondre et se vitrifier : les fours de potiers peuvent monter jusqu’à 1300 °C.

À quoi sert un émail ?

L’émail a deux fonctions principales : protéger une céramique et la décorer.

Protéger une céramique

Protéger la céramique des chocs et de l’usure est le premier rôle de l’émail. Puisque c’est un verre fondu, l’émail résiste beaucoup plus à l’usure du temps que le pot de céramique composé d’argile cuite. Même si, comme le verre, l’émail cassera sous un choc important, il ne s’émiettera cependant moins facilement que l’argile cuite. Une fois émaillée, la céramique résistera donc plus aux petits chocs et s’ébrèchera donc beaucoup moins vite.

L’émail sert aussi à :

  • Simplifier l’usage des pièces à usage alimentaire. Lorsqu’elles sont émaillées, les poteries destinées à la vaisselle ont une texture plus lisse qu’une céramique d’argile cuite. Elles sont donc plus faciles à laver. Vous pouvez en savoir plus sur les émaux alimentaires dans notre article sur ce sujet.
  • Imperméabiliser les faïences. Lorsqu’une céramique est fabriquée avec des terres cuites à basse température (ce sont alors des faïences, cuites au maximum à 1060°), elle reste poreuse après cuisson. Autrement dit, l’air et l’eau peuvent encore passer à travers. De l’eau versée dans un récipient en faïence suintera de la céramique si on ne la protège pas avec un émail.

Décorer une céramique

L’émail sert aussi à décorer une céramique, à lui apporter de la couleur et une texture finale particulière. 

La texture

On ne peut pas maîtriser le rendu de la texture d’une céramique d’argile cuite sans émail. Son toucher sera brut. Un émail permet d’obtenir des dégradés de sensations : du toucher totalement lisse qu’offre un émail parfaitement fondu et brillant, au rendu rugueux, pierreux, en passant par un effet satiné, beurré ou mat.

Difficile de représenter ces sensations en photos… mais faites l’expérience ! Si vous n’avez pas de céramiques chez vous, imaginez-vous toucher l’intérieur d’une coquille d’huître, toute lisse, puis l’extérieur, rugueux. La texture change l’aspect visuel, mais aussi l’expérience tactile.

Imaginez-vous tenir une tasse de café chaud entre vos mains : la texture de la tasse est un aspect essentiel du plaisir, et doit absolument être prise en compte par le céramiste qui crée sa gamme de produits. En ce sens, l’émail joue un rôle très important dans la création d’une céramique.

La texture d’une céramique influencera également la façon dont la couleur apparait. Plus un émail sera brillant, plus la couleur sera vive

La couleur

La couleur est un facteur essentiel d’une céramique.

Si vous utilisez un émail de basse température, vous pourrez créer des motifs aux contours nets, et réaliser l’équivalent d’un « dessin sur céramique ».

Si vous utilisez des émaux de haute température pour générer vos couleurs, vous ne pourrez pas obtenir de décors aussi précis. Ces émaux ont tendance à couler, à « bouger » sur la céramique pendant la cuisson. Mais cela apporte de magnifiques effets de couleurs, qu’il serait impossible d’obtenir en dessinant à la main.

Choisir quel type d’émaux utiliser, c’est donc faire un choix artistique.

Il existe d’autres moyens d’apporter de la couleur à une céramique. Un engobe par exemple, est de l’argile broyé et mélangé à de l’eau, qu’on applique sur la céramique un peu comme un émail, pour ajouter de la couleur. Cependant, un engobe n’est pas un émail car il ne va pas se vitrifier. Comme il ne fond pas, il sera plus facile de réaliser des dessins précis. Mais ses couleurs seront moins vives.

Il est possible d’utiliser un engobe pour créer un design, puis de recouvrir le tout d’un émail transparent, pour apporter la protection et la perméabilité. On vous explique comment fabriquer des engobes dans notre article.  

Quelle est la composition d’un émail céramique ?

Toute recette d’émail est constituée d’un mélange :

  • de silice en majeure partie
  • d’alumine en petite quantité (en moyenne un dixième de la quantité de silice).
  • d’un assortiment d’ingrédients de pH basique, appelés les fondants, comme par exemple le potassium, le sodium, le calcium, le magnésium, etc.
  • d’oxydes métalliques, en toute petite quantité, si on veut de la couleur.

La silice, l’ingrédient principal

La silice est l’ingrédient majoritaire d’une recette d’émail, puisqu’il constitue en général environ 80 % du mélange. La silice est ce qui donne la dureté à un émail. Il ne pourrait y avoir un émail sans silice. La silice constitue, pour ainsi dire, le « squelette » de l’émail.

Même si la silice ne vous évoque rien, en réalité, vous l’avez déjà rencontrée dans la nature : le sable sur nos plages, par exemple, c’est tout simplement de la silice sous forme de grains ! La silice peut également se trouver sous forme de roche plus compacte, comme le silex. La silice peut aussi être mélangée à d’autres ingrédients, pour créer des roches dures, comme le granit. 

C’est la silice également que l’on fond pour créer le verre de nos fenêtres, ou de nos miroirs. C’est pour cela que l’on peut dire qu’un émail est un verre, au même titre que le verre de nos fenêtres.

Pourquoi le mélange de poudres est-il indispensable ?

La silice ne peut s’utiliser seule dans la fabrication d’un émail. Elle a une température de fusion naturelle de 1710 °C. En dessous de cette température, la silice (ou les grains de sable, ou la roche de silex) réduite en poudre ne se liquéfiera pas, et ne se transformera pas en verre protecteur pour la céramique. Il serait impossible de la faire fondre dans un four de potier (qui peut atteindre au maximum 1300 °C).

Heureusement, il existe un phénomène naturel surprenant qui permet de résoudre ce problème : lorsque des ingrédients appartenant à trois catégories de pH différents sont mis en contact à de hautes températures, leurs températures de fusion respectives s’abaissent ! Ce phénomène naturel est appelé l’eutectique et constitue le fondement des techniques de création d’émaux. Sans ce phénomène, il serait impossible pour les céramistes de créer des émaux. 

Pour que l’eutectique fonctionne, il faut que soient présentes les trois catégories de pH : acide, neutre et basique. Maîtriser la proportion de ces trois types d’ingrédients permet donc de maîtriser la température à laquelle un mélange va fondre. 

Ainsi, en plus de la silice, qui est acide, le second ingrédient absolument indispensable dans un émail est l’alumine, qui est neutre.

L’association entre la silice et l’alumine est ce qui va le plus influencer l’abaissement de la température de fusion de l’émail final, et à ce titre, c’est essentiellement la proportion entre ces deux éléments qui va influencer la texture d’un émail. Plus un émail est parfaitement fondu, plus il est brillant. Moins il est fondu, plus il aura un aspect mat, voire pierreux. En fonction des effets de texture qu’il souhaite, le céramiste fait varier les proportions de ces deux éléments. De ce fait, on considère que l’alumine fait également partie du « squelette » de l’émail.

Enfin, pour que l’eutectique fonctionne, à la silice et à l’alumine, les ingrédients fondamentaux pour obtenir un émail qui se vitrifie, il faut ajouter les éléments basiques. Il existe une dizaine d’ingrédients de pH basique fréquemment utilisés (sodium, potassium, calcium, lithium, magnésium…).

La couleur grâce aux oxydes métalliques

Un émail constitué uniquement des éléments cités plus haut (silice, alumine, oxydes basiques) donnera seulement des dégradés de transparence dans un émail neutre, c’est-à-dire sans couleurs. On appelle d’ailleurs souvent un émail transparent « une couverte », car son rôle se borne à apporter une « couverture », donc une protection, à la céramique.

Pour colorer l’émail, on ajoute des oxydes métalliques, aussi appelés oxydes colorants, en toute petite quantité : ils constituent souvent moins de 2 % de la recette. Ils sont comme « l’étincelle d’une couleur », que le reste du corps de l’émail va pouvoir amplifier. 

Les oxydes métalliques peuvent avoir un pH acide, neutre ou basique. Mais leur présence n’influencera que très rarement l’eutectique, car ils sont présents en trop petite quantité.  

A noter que les ingrédients de pH basique jouent un très grand rôle dans le rendu final de la couleur de l’émail. En jouant sur le choix de ces ingrédients et de leurs proportions, le céramiste apprend à développer sa créativité.

Pour cela, il est utile de connaître les qualités et les défauts de chaque ingrédient. Par exemple, le sodium favorise le côté brillant d’un émail, et développe de très beaux bleus égyptiens, lorsqu’il est utilisé avec le bon oxyde colorant. Le lithium développe également des émaux particulièrement brillants, mais ne provoque pas de craquelures, contrairement au sodium. 

Dans notre cours en ligne sur les émaux, nous développons en détail les avantages et inconvénients de tous les principaux ingrédients utilisés pour fabriquer un émail, que ce soit des oxydes simples ou des oxydes colorants.

Comment différencier les oxydes colorants des autres poudres d’ingrédients ?

Tous les ingrédients en poudre utilisés pour fabriquer un émail sont sous forme d’oxydes : la silice (dioxyde de silicium), l’alumine (oxyde d’aluminium), les oxydes basiques et les oxydes métalliques. Un oxyde est un élément qui s’est oxydé, c’est à dire, qui contient de l’oxygène. 

Ainsi on fait la différence entre le cuivre, un métal, et l’oxyde de cuivre, un oxyde métallique issu du cuivre. 

Mais dans le monde de la céramique, on parle souvent « d’oxydes » pour parler des « oxydes colorants » (ou oxydes métalliques). C’est un raccourci de langage qui ne représente pas la réalité. Ce n’est donc pas très scientifique, mais c’est un fait, mieux vaut donc être préparé : lorsque vous vous adressez à un céramiste, et qu’il ou elle vous parle d’oxydes, si vous n’êtes pas certain de ce dont il/elle parle, demandez des précisions !

Dans la pratique, on différencie les oxydes qui forment le corps d’un émail des oxydes colorants grâce à leur aspect à l’état de poudre.

Tout oxyde non colorant, quand on le pile pour qu’il devienne de la poudre, devient blanc (ou une couleur très proche du blanc). Exactement comme de la glace qui, quand on la pile, devient blanche (c’est la neige !). Un oxyde colorant, quand on le pile, conserve une teinte colorée. 

Les secrets de la création d’une recette d’émail

Certains ingrédients utilisés dans un émail ne peuvent pas être ajoutés « purs » dans une recette. C’est le cas par exemple de l’alumine, qu’on évite d’ajouter pure mais plutôt par le biais d’un kaolin, une argile qui est constituée de silice et d’alumine

Pourquoi utiliser du kaolin plutôt que l’alumine pure ? Parce que cette dernière se mélange très mal au reste des poudres lorsqu’on ajoute l’eau. L’alumine se dépose au fond du récipient. Résultat : l’émail liquide n’est pas homogène. Or seul un émail homogène provoque une bonne eutectique

Le kaolin, au contraire, est très bénéfique : en plus de bien se mélanger, il va permettre à la totalité de la poudre d’émail de bien rester en suspension dans l’eau et ainsi on obtiendra de meilleurs résultats au moment d’appliquer l’émail sur la céramique. 

D’autres ingrédients, comme le sodium et le potassium, n’existent tout simplement pas seulsdans un état que l’on peut utiliser pour un émail (seuls, ils se dissolvent dans l’eau, comme du sel). Il faut donc les amener par le biais d’une poudre de roche, le feldspath, qui contient par ailleurs de la silice et de l’alumine. 

Rassembler des ingrédients dans des proportions très précises, quand on ne peut utiliser que des produits contenant plusieurs ingrédients comme le feldspath, peut vite devenir un casse-tête. Mais heureusement, des générations de céramistes avant vous se sont penchés sur la question, et ont trouvé des systèmes de calcul que vous pouvez utiliser facilement pour trouver les proportions de produits qu’il vous faut, pour créer une recette. 

De nos jours, il existe même des logiciels en ligne, comme le fantastique Glazy, qui fait presque la totalité du travail pour vous. Il n’en reste pas moins qu’il est important de comprendre la logique de construction d’une recette, c’est pourquoi nous l’expliquons en détail dans notre cours en ligne.

Comment appliquer l’émail sur une céramique ?

Si la recette d’un émail est essentielle, la façon dont cet émail est appliqué joue également un très grand rôle dans le rendu final de votre céramique. Choisir la façon d’appliquer un émail fait donc partie de la démarche artistique de la création d’une céramique.

Les techniques d’application de l’émail

On peut poser l’émail à l’aide :

  1. d’un pistolet dans une cabine d’émaillage,
  2. au pinceau (à la touche),
  3. par trempage ou à la louche,
  4. par pulvérisation, avec un pulvérisateur à bouche. 

 

Nous décrivons les avantages et les inconvénients de chaque méthode dans notre cours en ligne. A noter qu’il faut prendre en compte le côté pratique, car certaines méthodes d’application, comme la projection au pistolet par exemple, demandent beaucoup plus de moyens financiers (le premier prix d’une cabine d’émaillage est de 1500 € et peut aller jusqu’à 5000 € suivant son efficacité de fonctionnement et ses dimensions) 

L’association ou la superposition d’émaux différents sur une même céramique apporte encore davantage de créativité. La superposition est une technique dont Matthieu s’est fait une spécialité, nous y consacrons tout un article que vous pourrez trouver ici.

L’importance de la cuisson

Tous les émaux ne fondent pas à la même température : la température de fusion dépendra de la proportion des ingrédients dans le mélange des poudres. Certains émaux pourront fondre à partir de 980 °C, d’autres à 1060 °C, à 1245 °C, ou encore à 1300 °C. Ils ont chacun leurs caractéristiques propres et comme nous l’avons vu, ils ne donnent pas les mêmes rendus de couleurs.

Et dans tous les cas, entre l’émail avant cuisson et le rendu final, il y a un monde ! Les poudres d’émaux à l’état cru ont une couleur neutre, blanchâtre, rosée au mieux, qui ne représente pas du tout la couleur finale après fusion dans le four. 

Cela apporte une autre difficulté pour le céramiste, qui doit visualiser mentalement le résultat de son pot au moment d’apposer l’émail, en espérant que le rendu final correspondra à ses attentes. Si cela peut provoquer un peu de stress au moment de la création, cela offre également un moment de pure magie à la sortie du four : lorsque le céramiste découvre pour la première fois les céramiques qu’il ou elle a créées !

De plus, tout ne se joue pas avant la mise au four pour la couleur ; la façon dont sera menée la cuisson peut changer radicalement les rendus

Le mode de cuisson peut provoquer des effets uniques, comme la métallisation d’une pièce ou la cristallisation d’un émail (la création de sortes de « flocons d’émail »).

Si la cuisson est réalisée dans une atmosphère oxydante (avec beaucoup d’oxygène) ou dans une atmosphère réductrice (avec beaucoup moins d’oxygène dans le four), certains oxydes colorants peuvent donner des résultats radicalement opposés.

L’oxyde de cuivre par exemple, peut donner du vert en oxydation, et du rouge en réduction !

Céramiques avec des émaux de cristallisation

Si cette introduction au monde de l’émail vous a plu, et que vous souhaitez en découvrir davantage, n’hésitez pas à vous inscrire à notre newsletter (en bas de page), pour recevoir immédiatement dans votre boîte email un lien vers une vidéo gratuite de 30 minutes, extraite de notre cours en ligne !  Vous pourrez également découvrir une partie des explications de cet article en vidéo dans notre petite vidéo de 7 minutes : qu’est-ce qu’un émail.

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animé par Matthieu Liévois,
potier-céramiste depuis plus de 40 ans et fondateur de l’école Créamik

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