La densité de l’émail céramique
Introduction
1 — Comprendre la densité de l’émail céramique
2 — Comment mesurer la densité de l’émail
3 — Fabriquer son propre densimètre
Introduction
Dans le parcours de tout apprenti potier, l’application de l’émail céramique est une étape qui demande autant d’attention et de précision que la fabrication de l’émail lui-même. Une situation fréquemment rencontrée, et souvent source de déception à l’ouverture du four, concerne l’épaisseur, ou plus exactement, la densité de l’émail appliqué. Celle-ci joue un rôle fondamental dans le rendu final de la céramique émaillée. Les élèves de Créamik, récemment confrontés à cette problématique lors de leurs premiers essais d’émaillage, ont souvent constaté que leurs pièces étaient couvertes d’une couche d’émail trop dense, altérant ainsi les finitions attendues.
Nous expliquerons ici pourquoi une mesure précise de la densité est essentielle pour obtenir des résultats satisfaisants. Nous allons non seulement explorer les principes fondamentaux qui sous-tendent l’importance de la densité de l’émail, mais également vous fournir des méthodes pratiques pour la mesurer efficacement, y compris par la fabrication d’un densimètre.
1 — Comprendre la densité de l’émail céramique
En céramique, l’émaillage nécessite de la créativité, mais aussi une bonne compréhension technique. Un aspect très important de cette étape est la densité de l’émail. Parfois confondue avec l’épaisseur, elle est en réalité une mesure de la concentration des solides dans un liquide. Ici, c’est donc la mesure de la quantité de matière sèche présente dans le mélange liquide de l’émail. Penchons-nous sur la différence entre épaisseur et densité :
L’épaisseur :
– L’épaisseur fait référence à la dimension physique d’une couche ou d’un revêtement sur une surface. Dans le contexte de l’émaillage, elle désigne la quantité d’émail appliquée sur la surface d’une pièce de céramique. Une épaisseur importante signifie que la couche d’émail est physiquement épaisse, pouvant conduire à des coulures ou des écoulements lors de la cuisson.
La densité :
– La densité, quant à elle, fait référence à la concentration de matières solides dans un liquide. Dans le cas de l’émail, la densité indique la proportion de particules solides (comme les minéraux, les oxydes et les pigments) par rapport à la quantité d’eau (ou d’autres liquides) dans le mélange.
– Une densité élevée signifie une concentration plus importante de solides, ce qui peut affecter la fluidité de l’émail et son comportement lors de l’application et de la cuisson.
En résumé, l’épaisseur concerne la quantité de matière appliquée sur la surface de la céramique, tandis que la densité concerne la composition du mélange d’émail lui-même. Pour vous remémorer les notions de base sur l’émail, vous pouvez relire notre article qui aborde sa composition, les façons de l’appliquer ainsi que la cuisson.
L’importance d’une densité correcte
La densité de l’émail influence donc directement l’apparence et la qualité de la finition sur la pièce cuite. Un émail trop dense peut provoquer des coulures, une texture irrégulière, des défauts comme des bulles ou des craquelures, des retraits, des décrochages… après la cuisson. À l’inverse, un émail trop dilué offre une couverture insuffisante, des couleurs pâles, il laisse entrevoir la terre de manière inégale. Un émail trop dilué ressemble à un « jus d’oxyde raté ». Bien sûr, il y a aussi vos propres choix esthétiques qui vont interférer dans la densité d’émail que vous allez conserver.
Lorsque l’émail est appliqué avec la densité appropriée, il se répartit uniformément sur la surface de la pièce, l’eau est absorbée par le tesson et l’émail reste « collé » à la céramique. Cela garantit non seulement l’aspect esthétique désiré, mais aussi la durabilité et la qualité de la pièce finie.
En comprenant l’importance de la densité de l’émail et en apprenant à la mesurer et à l’ajuster, les céramistes peuvent considérablement améliorer la qualité de leurs œuvres émaillées.
2 — Comment mesurer la densité de l’émail
Utilisation des densimètres commerciaux
Les densimètres sont des instruments spécialement conçus pour mesurer la densité des liquides, y compris les émaux. Ces outils sont plongés directement dans le mélange d’émail, et la densité est lue sur une échelle graduée. Ils offrent une lecture précise et sont généralement faciles à utiliser. Ils coûtent actuellement autour de 40 €, mais leur taille (30 cm) oblige à avoir son émail dans un contenant haut.
Les autres méthodes de mesure
Les premières méthodes sont très simples et se fondent sur l’expérience. Méthode de la consistance : certains vous diront que la bonne consistance d’un émail est celle d’une pâte à crêpe. Sur cette méthode, les Bretons ont un avantage indéniable… D’autres plongent les doigts dans l’émail et disent que la consistance est bonne quand l’émail ne laisse plus voir de différence entre l’ongle et la peau du doigt. Ces méthodes fonctionnent bien, et sont largement utilisées. Dans les deux cas, il faut une bonne dose d’expérience pour effectivement reconnaître que la consistance de l’émail est correcte. En revanche, elles sont assez déroutantes pour un débutant…
Méthode de la pesée : Une autre méthode consiste à peser la matière sèche et à peser l’eau que l’on ajoute. Par exemple, pour 1 kg d’émail sec, on peut commencer par ajouter 0,75 L d’eau, en mesurant bien l’eau que l’on rajoute si cela s’avère nécessaire. Au fur et à mesure que l’on émaille, il n’est pas facile de savoir quelle est la proportion entre la matière sèche et l’eau rajoutée. Enfin, s’il est facile d’effectuer des pesées sur 1 kg, tout se complique dès que l’on travaille avec de grandes quantités d’émail.
3 — Fabriquer son propre densimètre
Pour les céramistes qui souhaitent une approche plus personnalisée et économique, fabriquer un densimètre est une excellente alternative. Ce projet à faire soi-même permet non seulement de comprendre ce qu’est la densité, mais également de développer un outil adapté à vos besoins spécifiques.
Matériaux et outils nécessaires :
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- Un tube en verre ou en plastique transparent, type « tube à essai ». Le tube de cet article coûte 0,50 €.
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- Un entonnoir qui entre dans le tube à essai
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- Un bouchon en liège
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- Du papier millimétré
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- Des poids comme des écrous, des boulons, des rondelles en inox, les plus petits possibles
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- Un morceau de bougie
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- Deux casseroles, pour un bain-marie.
Étapes de fabrication
I — Dans le tube à essai, on met des écrous et des lamelles en inox. Pour connaître le poids adéquat, il faut plonger le tube à essai dans un seau d’eau. Comme l’eau est le liquide le moins dense, le bon poids à retenir est quand le tube flotte et que la limite de l’eau est en haut du tube (sans rentrer dans le tube). Il faut que le tube flotte bien verticalement. S’il a tendance à basculer, il faut secouer les poids jusqu’à ce que le tube reste bien droit dans l’eau.
2 — Prendre un petit morceau de cire comme un bout de bougie :
3 — Faire fondre la cire au bain-marie (on s’assure ainsi que la cire ne dépassera pas les 40 °C pour ne pas risquer de la voir s’enflammer). En faisant fondre de la cire directement sur le feu, on risque toujours de voir la cire s’enflammer et mettre le feu à l’atelier…). La cire va servir à fixer les poids au fond du tube à essai, ils ne bougeront plus.
4 — Glisser un papier dans le tube à essai pour éviter que la cire que l’on va verser ne colle aux parois.
5 — Positionner l’entonnoir.
6 — Verser la cire liquide jusqu’à couvrir les poids, puis enlever le papier. Attendre que la cire refroidisse et se stabilise en tenant bien verticalement le tube :
7 — Prendre une feuille de papier millimétré :
8 — Tailler un rectangle de la taille du tube, en hauteur et en circonférence :
9 — Graduer le papier :
10 — Rouler le papier et le glisser dans le tube :
11 — Si votre tube n’a pas de bouchon, vous pouvez en tailler un dans un bouchon en liège : le tremper dans le reste de la cire liquide pour fermer hermétiquement le tube. N’hésitez pas à badigeonner votre bouchon au pinceau pour que le tube soit bien fermé et hermétique :
Le voici terminé :
12 — Plonger délicatement le densimètre dans l’eau pour vérifier qu’il flotte bien. Dans ce cas-ci, le trait de l’eau était au-delà de la graduation 10 :
13 — Tester le densimètre dans l’émail, il flotte, mais reste en suspension par rapport à l’eau, car l’émail est plus dense que l’eau :
14 — Sortir le densimètre et lire la graduation, ici on lit 5,2 :
On émaille donc ses poteries avec cette densité pour cet émail-là. Selon les résultats de la cuisson, on pourra par la suite enlever de l’eau ou en ajouter, en prenant soin à chaque fois de mesurer à nouveau la densité et de la noter. Chaque émail a une densité différente, il faut donc mesurer la densité de chacun de ses émaux et noter le chiffre. Ce chiffre n’est pas universel, il est celui obtenu par ce densimètre pour votre émail. Si vous cassez votre densimètre, il faudra reprendre la densité de chaque émail avec votre nouveau densimètre.
Utilisation et entretien
– Avant chaque utilisation, assurez-vous que le tube est propre et sec.
– Après utilisation, nettoyez soigneusement le densimètre et rangez-le dans une boîte qui le protège bien. Un tube en verre se casse facilement, mais si vous êtes soigneux, votre densimètre durera aussi longtemps que votre carrière de potier ! Le voici dans sa boîte :
Conclusion :
En abordant cette question de la densité de l’émail, nous avons touché une facette importante de notre travail. En tant que céramiste, chacun de nos gestes, chacun de nos choix, sont pensés et reflètent un parti-pris esthétique final. La densité de l’émail, bien que technique, est finalement une passerelle vers l’expression de notre singularité artistique. Cet article nous invite à expérimenter pour trouver, dans les nuances de l’émail, notre propre empreinte dans le monde de la céramique.
Souhaitons nous, pour cette nouvelle année, des créations émaillées qui reflètent cette harmonie entre technique et art, et qu’elles portent en elles la marque de notre passion et de notre créativité.
Centre de ressources
animé par Matthieu Liévois,
potier-céramiste depuis plus de 40 ans et fondateur de l’école Créamik
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