Évaluer le prix de vente de ses poteries

 

 

 

Le coût des matériaux en poterie

Le coût du combustible

L’usure du four céramique

Les charges fixes de l’atelier

Les coûts indirects

Le temps de travail de l’artisan céramiste

Bénéfice net et marge bénéficiaire

Évaluation du marché

Exemple d’un bol en grès

 

Dans l’article précédent, nous nous sommes intéressés au calcul du prix d’une cuisson dans un four de potier, qu’il soit électrique ou au gaz. Le prix du four et du combustible étant les éléments les plus onéreux du métier de potier, il était important d’y consacrer un article. Pour aller jusqu’au bout de la réflexion, nous voulons maintenant évaluer au mieux le prix de production d’une poterie, pour qu’ensuite l’artisan puisse fixer de manière juste le prix de vente de ses céramiques artisanales.

Le potier sait que le client, en déambulant dans les allées d’un marché de potier, s’interroge souvent sur l’importance de la différence de prix entre une tasse à café en céramique faite à la main et une tasse achetée en grande surface. Mais le potier doit pouvoir vivre dignement de son travail et estimer la valeur ajoutée qu’il apporte par sa création artisanale. Nous allons donc décomposer les différents coûts entrant en jeu, et essayer de dévoiler ce qui se cache réellement derrière le prix d’une poterie. À l’école Créamik, nous travaillons le grès cuit dans un four à gaz, il sera donc notre matériau de référence dans les exemples que nous prendrons.  Calculer le prix de vos pièces dépend de plusieurs facteurs, voici une proposition de démarche générale que vous pourriez adopter.

 

Le coût des matériaux en poterie

 

 

C’est la première chose à prendre en compte. Vous devrez donc considérer le coût du grès utilisé pour chaque pièce, ainsi que les différents matériaux entrant dans la composition de vos émaux. 

 

Le coût du combustible

 

 

Dès que vous avez votre propre four, il est important de prendre des notes à chaque cuisson. Lors de notre précédent article, nous vous avons proposé une démarche pour calculer le coût du combustible pour une cuisson. Il est utile de savoir combien de temps dure une cuisson, et quelle quantité de combustible est consommée pendant cette période. Ensuite, on divise ce coût total par le nombre de pièces cuites en une fois pour obtenir le coût du combustible par objet. 

 

L’usure du four céramique

 

La durée de vie de votre four et son entretien doivent également être pris en compte. Combien cela coûte-t-il de faire réparer ou remplacer des pièces de votre four ? En vous appuyant sur le nombre de pièces cuites lors de vos premières cuissons, vous pouvez évaluer le nombre de pièces qui seront cuites pendant toute la durée de vie de votre four. Divisez le prix de l’entretien du four par le nombre de pièces qui seront cuites, et vous aurez une idée du pourcentage qui entre dans le prix final de la poterie. 

 

Les charges fixes de l’atelier

 

Entrent dans cette catégorie le loyer de votre atelier, les assurances, les impôts, les charges sociales, les publicités (affiches, cartes…), votre site web, tout cela est à considérer. 

 

Les coûts indirects

 

Ne négligez pas d’autres coûts tels que l’usure des outils, l’entretien de l’atelier, le coût des emballages pour le transport des pièces, le carburant lors des déplacements, les coûts d’exposition et de marchés de potiers, etc.

 

Le temps de travail du potier

 

Reste à prendre en compte le temps que vous passez à travailler sur chaque pièce.     
Quand vous serez un potier expérimenté, votre temps aura une grande valeur. Combien voulez-vous être payé par heure ? Multipliez cela par le nombre d’heures que vous passez en moyenne sur chaque pièce pour vous faire une idée de votre coût horaire. Une anecdote circule au sujet du célèbre céramiste Shoji Hamada. Lors d’une démonstration, une personne lui aurait fait remarquer que ses poteries étaient très chères alors que celle qu’il était en train d’exécuter ne lui prenait que quelques minutes. Shoji Hamada aurait répondu : “Ce vase a 70 ans et quelques minutes”. Je ne sais pas si cette histoire est vraie, mais elle illustre très bien l’importance du facteur “temps” dans l’acquisition d’une compétence.  L’expérience, le talent, l’originalité, la renommée, tout cela est difficile à quantifier et pourtant, c’est peut-être ce qui va essentiellement dicter le prix de vos céramiques. 

 

Bénéfice net et marge bénéficiaire

 

Il est nécessaire d’ajouter une marge bénéficiaire à votre coût total pour réaliser un bénéfice sur chaque vente. Cette marge dépend de vos objectifs personnels et professionnels, de la valeur perçue de votre travail, du marché…  La marge bénéficiaire correspond aux bénéfices de votre entreprise, elle est un indicateur de la bonne santé de votre entreprise et donc de sa rentabilité.   La marge bénéficiaire peut être réinvestie dans votre entreprise pour son développement, comme par exemple acheter une boudineuse (pour diminuer de manière significative le temps consacré au battage et recyclage de la terre), un nouveau four (plus grand…), ou un deuxième tour, une extrudeuse, etc. En bref, pour acheter des outils qui vous permettront de passer moins de temps sur des tâches fastidieuses et chronophages, afin de vous consacrer à la création. Pour calculer votre marge bénéficiaire, commencez par déterminer votre chiffre d’affaires total, qui est l’argent que vous recevez en vendant vos créations. Soustrayez toutes vos dépenses d’exploitation (énumérées précédemment). Le résultat de cette soustraction est votre bénéfice net. Pour obtenir la marge bénéficiaire, divisez le bénéfice net par le chiffre d’affaires total, puis multipliez par 100 pour obtenir un pourcentage. 

Votre rémunération doit être prise en compte dans le calcul de votre marge bénéficiaire, car c’est une dépense d’exploitation, c’est-à-dire une dépense nécessaire pour faire fonctionner votre entreprise.  En résumé, la rémunération de l’exploitant (le potier) est une dépense, et fait partie des coûts d’exploitation de l’entreprise, tandis que la marge bénéficiaire est un indicateur de rentabilité qui mesure « ce qui reste » après avoir payé toutes les dépenses, y compris la rémunération. 


Évaluation du marché

 

Stand de Anne Lecuyer ancienne élève de l’école Créamik

 

Quand vous commencez à vendre votre travail, il est normal de comparer vos prix à ceux des autres potiers, avec un niveau de compétence et une réputation similaires, pour s’assurer que vos prix sont compétitifs et raisonnables. Si vous pratiquez la céramique alors que vous avez d’autres sources de revenus, il est important de ne pas casser le marché en bradant votre travail, cela nuirait aux autres potiers dont la céramique est le métier et la source essentielle de revenus. 

 

Exemple d’un bol en grès

 

 

Prenons le tournage d’un bol en grès, effectué avec 600 g de grès, cuit à 1280°C en 9 heures dans un four à gaz de 300 L : 

1 – Coût des matériaux : le coût de la terre est de 0,60 € et celui des émaux, en moyenne, est de 2€. Le coût total en matériaux du bol tourné est de 2,60 €. On considère le prix du grès acheté à la tonne. En ce qui concerne les émaux, c’est un chiffre établi à partir d’émaux composés de matériaux bon marché, mais aussi plus onéreux comme l’oxyde de cobalt…

2 – Le coût du combustible : chaque cuisson au gaz dans notre four à gaz de 300 L, pendant 9 heures est de 18,48 € (voir notre article sur le coût de la cuisson). Pour cuire des bols de 15 cm de diamètre, nous utilisons 8 plaques et nous mettons 9 bols par plaques, ce qui fait 72 bols pour une cuisson. Le coût du gaz sera 0,25 € par bol. 

3 – L’usure du four : nous prenons l’exemple du four Bretagne de 300 L qui à l’époque de son achat, a coûté 8000 €, il a fait 120 cuissons par an, donc 1200 cuissons en 10 ans. Le coût par cuisson est : 8000 €/1200 = 6,66 €. Si on fait cuire 72 bols, 6,6 €/72 bols = 0,10 € par bol.  Considérons maintenant un four électrique pro de 80 L de chez Céradel, qui au moment de son achat a coûté 5000 €. Ce four de très bonne qualité est entièrement en inox, il ne rouille pas du tout. Les résistances sont dans des tubes, elles résistent bien aux cuissons et elles n’abîment pas les briques quand elles sont en fin de vie. Il y a des résistances sur 5 parois, ce qui rend les cuissons très performantes. Le jeu de résistances est changé tous les deux ans pour une somme de 720 euros. L’atelier fait 3 cuissons par semaine, pendant 10 mois, ce qui fait 120 cuissons par an. Au bout de 5 ans, il est temps de le changer, il a fait 600 cuissons. Le four à gaz se révèle donc plus rentable. Bien sûr, il n’est pas obligatoire de changer ce four au bout de 600 cuissons, il fonctionne encore très bien, mais le vieillissement fait qu’il va se révéler de plus en plus cher à l’usage. 

 

4 – Les charges fixes et les coûts indirects :vous le découvrirez à l’usage, maison peut les estimer ensemble à 50% du chiffre d’affaires. 

 

5 – Le temps de travail : entre le tournage, le tournassage, l’émaillage, le temps de cuisson, on peut évaluer à 25 minutes le temps de travail pour notre bol (sans compter le pétrissage, le temps consacré à la recherche pour les émaux, à la comptabilité, à la recherche de points de vente…). Supposons un taux horaire de 40 €, cela fait 0,6€ la minute. Donc le coût du travail pour un bol est de 16,60 €. Il est à noter que le coût de fabrication ne saurait être constant. Il variera en fonction de la dextérité du potier, et le temps d’émaillage peut varier en fonction de la complexité du décor. 

 

6 – Bénéfice net et marge bénéficiaire : Quel pourcentage de bénéfice souhaitez-vous réaliser ? Nous pouvons faire l’hypothèse que ce soit 5% du chiffre d’affaires. 

 

7 – Évaluation du marché : cela ne fait pas partie du calcul du coût, mais c’est une étape importante pour vous assurer que vos prix sont cohérents pour le marché que vous visez. 

Le coût total avec bénéfice pour chaque bol est : 

2,60 € (matériaux) + 0,25 € (gaz) + 0,10 € (usure du four) + 16,60 € (temps de travail) = 19,55 €

19,55 : 2 = 9,77 => (charges fixes et coûts indirects)

Donc total 19,55 + 9,77 = 29,32 €

 + 5% de bénéfice et marge bénéficiaire de 5% = 29,32 + 1,46 = 30,78

On peut donc considérer que le bon prix de vente est : 30 euros, ou 29 euros, si vous voulez que ce soit plus attractif !

Par ailleurs, un produit d’appel est en général nécessaire, et peut être vendu entre 15 et 25€. Il sera donc peut-être nécessaire de proposer des bols plus petits, qui se vendront entre 15 et 25 euros, même si cela s’avèrera moins rentable. Donc, lors d’une vente, on proposera aux clients de petites pièces accessibles à tous, mais aussi des pièces plus importantes, plus originales, sur lesquelles la marge sera plus grande, et qui rendront rentable votre activité. 

 

 

Ces calculs un peu fastidieux sont essentiels pour apprécier la valeur réelle des pièces uniques réalisées par un potier. Loin d’être une simple question de profit, le coût d’une poterie reflète les nombreux facteurs intrinsèques à l’art de la céramique. En payant ce prix, le client investit non seulement dans un objet fonctionnel, mais aussi dans une pièce d’art de tradition ancestrale, fruit de la passion de l’artisan qui a consacré du temps à la création de quelque chose de véritablement unique. C’est vous qui, par la qualité de votre travail et le supplément d’âme que vous apportez, allez donner toute sa valeur à l’objet que vous allez créer à partir d’une simple motte de terre !

 

Aller plus loin sur les cuissons grâce à notre cours en ligne sur les émaux:

 

 

 

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animé par Matthieu Liévois,
potier-céramiste depuis plus de 40 ans et fondateur de l’école Créamik

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