Pourquoi faire des séries en tournage céramique ?
Maîtriser le tournage en céramique
Les premiers essais de tournassage et d’émaillage
De la série à la pièce unique…
… de la pièce unique à la série originale
Qui ne s’est jamais imaginé en potier inspiré, auteur de pièces uniques ? Et qui ne s’est jamais installé au tour sans trop savoir par quoi commencer ?
Il n’est pas rare que ces deux attitudes, aussi opposées soient-elles, coexistent chez un seul artisan. Pourquoi ? Parce qu’aucun artiste de génie n’est génial tout le temps.
C’est pourquoi il est important de savoir travailler en série, à une production qui peut sembler simple et répétitive, afin d’acquérir la maîtrise nécessaire pour reproduire une poterie à l’identique et laisser mûrir sa créativité.
Vous pourrez ensuite réaliser de belles pièces uniques, qui refléteront quelque chose du monde intérieur que vous portez en vous.
Maîtriser le tournage en céramique
L’apprentissage du tournage se fait par ce combo gagnant : centrer, monter des parois (droites, ouvertes ou fermées) et recommencer… Jusqu’à ce que les gestes deviennent naturels et fluides.
Chacun se souvient avec bonheur de ce moment, où il a senti sous ses mains, la boule de terre se centrer, puis sous ses doigts, les parois monter sans que l’objet ne se décentre. Finalement, on y arrive toujours, à centrer la terre puis à monter les parois ! Le plus difficile est d’y arriver à chaque fois, et là, commence un long processus de répétition pour faire de cette compétence un acquis stable qui ne s’oublie pas. À terme, on est même étonné de faire facilement, sans plus y penser, quelque chose qui paraissait si difficile au départ.
L’exigence de la répétition
A ce stade, la tentation est grande de se lancer dans une production originale, de sortir du tour une pièce différente à chaque fois, de varier les formes et les tailles : bols, vases, assiettes, plats, saladiers, pichets, etc. Les idées fusent. Et pourquoi ne pas se lancer dans des pièces plus exigeantes… dont la fameuse théière ?
En réalité, le travail de répétition est loin d’être terminé et il est important de ne pas brûler cette étape. Quand on réalise une forme satisfaisante, la difficulté est de la refaire à l’identique. Et il est nécessaire d’acquérir cette compétence pour progresser et consolider sa technique, d’où le travail des séries.
Réussir ses séries
Pour réussir ses séries, il est important de peser précisément la terre, pour prendre à chaque fois exactement la même quantité. Ensuite, sur le tour, on peut s’aider d’un trusquin qui délimitera hauteur et largeur à atteindre, et à ne pas dépasser.
Un potier débutant n’évalue pas précisément l’épaisseur juste de la pièce qu’il réalise. Le trusquin devient donc un outil précieux, ainsi que l’aiguille pour mesurer l’épaisseur des fonds.
Mais avec l’expérience, et surtout avec la rigueur de la répétition, c’est étonnant comme un potier arrive à reproduire des pièces identiques, même sans trusquin, en jaugeant seulement par le toucher et la vue. En revanche, il faut continuer à peser la terre avec une grande précision.
Les premiers essais de tournassage et d’émaillage
C’est aussi sur des séries de débutant que l’on apprend à tournasser et à émailler. Le tournassage apporte une belle finition à un objet, c’est une opération compliquée au début, alors il vaut mieux l’apprendre sur les pièces qu’on ne regrettera pas de gâcher.
Idem pour l’émaillage. Il est plus facile psychologiquement de risquer ses premiers essais d’émaux sur ces pièces en série. Lorsqu’on débute en émail, il y a toujours quelques ratés, et c’est tellement décourageant de rater l’émaillage (et la cuisson) sur des pièces très bien tournées ! Paradoxalement, on trouvera très jolies des pièces avec un bel émail même si l’objet n’est pas très bien tourné.
De la série à la pièce unique…
L’exercice du travail des séries est le préalable nécessaire à la réalisation de
pièces plus difficiles, qu’on jugera « plus inspirées ». L’humble travail de répétition permet de connaître la terre, de découvrir toutes les possibilités qu’elle contient ainsi que ses limites. C’est de cette compétence que va émerger l’idée de nouvelles formes. L’idée prend forme de façon concrète et l’artisan, quand il a une véritable bonne idée, sait précisément comment il va lui donner corps.
Mais l’artisan n’a pas tout le temps « l’idée » du siècle, celle dont la réalisation apporte une sorte de plénitude. Il faut donc trouver dans le travail au quotidien, à travers la réalisation de séries pour un usage pratique, un vrai plaisir.
Et ce n’est pas une mince affaire : il suffit de déambuler dans les rayons des supermarchés pour constater que l’industrie produit de jolies pièces en série, à des prix défiants toute concurrence.
… de la pièce unique à la série originale…
Le propre de l’artisan est de réaliser un objet pour un usage pratique. Le premier défi est probablement dans cette prise de conscience, celle de produire des pièces dont l’usage est très agréable et réussi : l’anse d’un pichet suffisamment large, posée à la bonne hauteur qui permet de bien soulever le pichet quand il est plein, et dont le bec coule parfaitement ; le bol avec un rebord pas trop épais, ce qui serait désagréable à l’usage, mais pas trop fin non plus, car il se casserait trop facilement ; la tasse pour le petit-déjeuner ou la bolée pour le cidre… On peut trouver pour chaque série un vrai défi à relever ce qui rend le travail intéressant d’autant plus qu’on veut satisfaire un client potentiel.
Enfin, pour valoriser une série, il faut miser sur l’émail et la cuisson. D’abord parce que produire des séries permet de vite remplir un four et donc de cuire souvent, ce qui est essentiel pour progresser, aussi bien en tournage qu’en émaillage. Ensuite parce que c’est un beau défi, très intéressant, de mettre au point des émaux qui, par la magie du four, ne seront pas identiques d’une pièce à l’autre (cela est particulièrement vrai dès que l’on superpose différents émaux). Ainsi, à travers un travail de série simple, l’artisan met au point quelque chose de réellement original.
Ce travail exigeant au quotidien, mais dans lequel il est important de se plonger pour acquérir une solide technique, donne au potier la liberté de réaliser ses œuvres les plus originales. Un musicien n’arrête jamais les gammes et les arpèges ; un footballeur n’arrête jamais les entraînements. Le potier trouvera toujours dans la réalisation des séries l’exercice fondamental à ses plus belles inspirations.
Centre de ressources
animé par Matthieu Liévois,
potier-céramiste depuis plus de 40 ans et fondateur de l’école Créamik
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