Céramique : une création tout en jeux de lumière

Sommaire

1 — La porcelaine, la reine de la translucidité

2 — Émaux : vitrification et effets de transparence

3 — La céramique, sculptrice de lumière et créatrice d’ambiance

4 — Sources de lumière : les règles de sécurité

Introduction

Pour tout artiste, la lumière est bien plus qu’une simple source d’éclairage, elle est le médium qui révèle chaque œuvre. Les créations en céramique dévoilent ainsi toute leur beauté à travers de subtils jeux de lumière.

Lampe citadelle, Jean-Claude Canonne.
La lumière donne une tout autre dimension à cette céramique.

Dans un article précédent, nous avons abordé la question de la lumière dans l’univers de la céramique en insistant sur la nécessité d’un éclairage optimal de notre atelier — une condition sine qua non pour garantir notre confort, mais aussi la qualité de notre travail.

Dans un second article consacré à la création de visuels, nous avons parlé de la nécessaire maîtrise de la lumière pour mettre en valeur nos pièces lorsque nous les photographions et les filmons pour les partager sur un site et sur les réseaux sociaux.

Cependant, la lumière dans la céramique transcende ces deux rôles utilitaires. Elle se pose non seulement comme un outil, mais aussi comme une source d’inspiration, au même titre que l’argile elle-même. La preuve en est qu’à chaque défournement, notre réflexe de potier est de faire jouer la lumière sur nos poteries ! En effet, la lumière façonne l’apparence des émaux, elle va donc guider nos choix de matières et influencer la conception même de nos créations.

Ainsi, que ce soit à travers des pièces translucides, des effets de transparence liés aux émaux ou la création de luminaires en céramique, les potiers subliment leur œuvre grâce à la lumière en dépassant les contraintes de la technique.

Défournement chez agceramics,
image partagée sur Instagram par loveinpottery

Suivez-nous dans ce nouvel article consacré à l’exploration des interactions entre la lumière et la céramique.

1 — La porcelaine, la reine de la translucidité

La translucidité en céramique est ce phénomène qui permet à la lumière de traverser les parois d’une poterie, révélant des détails parfois invisibles à l’œil nu et conférant à l’objet une nouvelle dimension. La porcelaine est sans conteste l’une des matières céramiques les plus célèbres pour sa translucidité. La structure même de la porcelaine ainsi que son degré élevé de vitrification permettent de faire des pièces extrêmement fines qui laissent passer la lumière. Et bien que très fines, les pièces en porcelaine demeurent très solides.

Admirer une pièce de porcelaine est un plaisir, mais la découvrir traversée par la lumière est un émerveillement !

À la transparence de la porcelaine, on peut agréger la technique du « grain de riz ». Les « grains de riz » sont obtenus par une diminution de l’épaisseur de la pâte, laissant apparaître le motif à la lumière par translucidité de la pâte. En fait, ce procédé est connu de tous : qui n’a jamais vu ces services à thé plutôt classiques qui laissent passer la lumière à travers leurs motifs les plus fins ?

Appliquée à des luminaires, cette propriété de la porcelaine en devient fascinante. On ne se contente plus de motifs de la taille d’un grain de riz, il est possible de multiplier les motifs et d’en faire de bien plus grands et de jouer avec les couleurs. Sur son site, Laurence Thomas présente de très belles réalisations de luminaires en porcelaine dont elle partage le processus de fabrication. Dans son travail, Laurence Thomas fait agir le matériau comme un diffuseur naturel. Ses lampes aux décors translucides transforment une lumière intense en une douce lueur. Cette diffusion de la lumière crée une ambiance chaleureuse et accueillante dans n’importe quel espace.

2 — Émaux : vitrification et effets de transparence

Si l’émaillage a pour but premier de protéger une céramique, il s’accompagne de la recherche sur la couleur et la texture pour le plaisir des yeux et du toucher. Il joue également un rôle clé dans la translucidité. Quand un émail transparent vient boucher un trou ou une fissure, il permet la transmission de la lumière. Cette propriété démontre le caractère véritablement vitré des émaux. La technique de l’émaillage et la technique de la vitrification sont, de fait, la même technique. C’est d’ailleurs pour cela qu’une revue que nous connaissons tous s’appelle La Revue de la céramique et du verre

Utiliser la transparence de l’émail peut se faire sur d’autres terres que de la porcelaine puisqu’il s’agit là de boucher un trou. Ce procédé s’utilise notamment dans la réalisation de photophores :

Sur cette photo, l’émail transparent est venu boucher les plus petits trous de l’hippocampe, emblème du Morbihan, faisant l’effet d’un tout petit vitrail. Sans boucher totalement les autres trous ni altérer le dessin, l’émail est resté en épaisseur dans les recoins, adoucissant les formes pointues tout en laissant passer la lumière. Cet émail a été posé sur le grès GSA de Saint-Amand qui est un grès foncé. Tout le travail de transparence vient bien de l’émail. Cet émail est travaillé à partir du diagramme 9 du livre de Daniel de Montmollin, Les émaux de grès.

Si on avait ajouté un faible pourcentage d’oxyde de fer à cet émail, on aurait obtenu la même transparence, mais avec une nuance vert tendre, ajoutant de la douceur à toute la céramique et à la lumière qui s’en dégage. Ce vert tendre est un céladon qui se développe dans un four qui permet les cuissons en réduction. Si vous avez un four électrique, utilisez le carbonate de cuivre, un très joli vert se développera aussi !

Réalisation à l’atelier Créamik

Un photophore révèle toute sa beauté quand il est éclairé de l’intérieur. Pour qu’il soit un bel objet, même éteint, il faut trouver un moyen de faire ressortir le dessin ajouré par le choix de l’émail. Le tenmoku se prête tout à fait à ce genre d’objet. Il s’agit d’un émail brun foncé japonais, très facile à réaliser. On le travaille à partir du diagramme 33 du livre de Daniel de Montmollin, Les émaux de grès. La particularité du tenmoku, c’est qu’il se rétracte aux arêtes, voici ce que donne un photophore émaillé avec un tenmoku :

Des feuilles virevoltantes et des escargots : l’ambiance d’automne est confortée par le choix de l’émail, un tenmoku brun foncé qui se rétracte aux arêtes en un brun clair.

3 — La Céramique, sculptrice de lumière et créatrice d’ambiance

Lorsque nous concevons des pièces céramiques, il n’est pas seulement question de la forme et de la fonction. Il est également question de la manière dont nos créations interagissent avec la lumière et vont moduler l’ambiance d’une pièce. Jeux d’ombres, luminaires de formes variées… Les pièces en céramique sources de lumière apportent une touche unique à un intérieur et en modifient l’ambiance.

  • Contraste des ombres : nous venons d’évoquer les pièces ajourées dont l’éclairage révèle la beauté. Mais les motifs ajourés peuvent aussi se projeter sur les supports ou les murs lorsque la lumière les traverse, créant d’esthétiques contrastes d’ombres et lumières. L’image projetée devient une extension artistique de l’œuvre elle-même, lui ajoutant une nouvelle dimension.

Le compte Instagram de Ceramic today partage de nombreuses créations, voici celles de baked.in.clay :

 

On peut aussi jouer avec l’ombre même de la poterie. Imaginez une céramique posée près d’une source de lumière pour faire apparaître en ombre chinoise la forme de l’objet sur les murs. Selon la pièce et l’intensité de la source lumineuse, vous créez une ambiance chaleureuse, accueillante ou une ambiance inquiétante…

  • Les luminaires : plus communément, le jeu de la lumière sur la poterie inspire la création de luminaires. De cette idée classique peuvent naître des créations originales résolument modernes : sur son compte Instagram, Mud Century Modern publie ses créations de luminaires, il en partage aussi le processus de fabrication. Son travail est fascinant, en voici un exemple :

Je ne peux que vous encourager à découvrir son compte. Cet artiste, notamment à travers ses luminaires, montre à quel point il est possible de réaliser des œuvres contemporaines à partir d’une technique ancestrale.

4 — Sources de lumière : les règles de sécurité

Nous abordons souvent la question de la sécurité, et nous n’y échapperons pas ici non plus ! Lorsque nous intégrons un système électrique à nos œuvres, nous devons être conscients des précautions à prendre pour éviter les accidents.

Voici quelques conseils importants :

  • Distance de sécurité : nous évoquions précédemment les sources lumineuses éclairant une céramique pour créer des ombres. Veillez à maintenir une distance de sécurité entre les sources de lumière et les céramiques. La chaleur dégagée par certains types d’éclairages peut causer des dommages inattendus, tels que des fissures ou des contraintes thermiques sur des pièces fragiles.
  • Choix de l’éclairage : pour un luminaire, il est préférable de choisir des sources lumineuses qui émettent moins de chaleur comme les LED.
  • Manipulation électrique sûre : l’électricité et la céramique peuvent être un mélange dangereux, surtout si vous essayez votre installation électrique sur une pièce pas tout à fait sèche. De fait, il est nécessaire sur un prototype de vérifier que le système électrique s’insère bien dans la lampe, et parfois, on est tout simplement impatient de voir quel effet la lampe donnera. Cela ne doit pas être au détriment de la sécurité.
  • Conformité des installations électriques : chaque élément, fils conducteur, interrupteur, douilles, doivent respecter les normes de sécurité en vigueur. Votre installation électrique doit être réalisée en accord avec les réglementations locales, point à travailler particulièrement si vous exportez vos pièces. Cela implique l’utilisation de composants homologués. L’assemblage doit également être vérifié par un électricien. Tout cela n’est pas qu’une question de conformité, c’est un gage de sécurité pour votre clientèle et donc pour vous et votre réputation d’artisan d’art.

Dans le cas des bougies et photophores, voici quelques conseils supplémentaires de sécurité :

  • La stabilité : votre luminaire doit être stable, sans risque de basculer. La base des photophores doit être solide et même un peu lourde pour éviter tout renversement accidentel de la bougie allumée.
  • Matériaux résistants à la chaleur : certains émaux et argiles peuvent se détériorer sous l’effet de la chaleur d’une flamme, il s’agit donc de choisir les matériaux adéquats. Par ailleurs, un photophore peut devenir très chaud donc attention en le saisissant à mains nues.
  • Surveillance : ne laissez jamais une bougie allumée sans surveillance, surtout à proximité de matériaux inflammables et gardez un espace de dégagement autour du photophore (je pense aux sapins de Noël…). Éteignez toujours les bougies avant de quitter une pièce ou de vous endormir.
  • L’éteignoir : plutôt que de souffler sur une bougie, utilisez un éteignoir, il évite la dispersion de la cire chaude et réduit la quantité de fumée produite par l’extinction de la flamme.
  • Bougies de qualité : les bougies de bonne qualité brûlent proprement sans causer de problèmes de sécurité.

Conclusion 

La lumière est bien plus qu’un simple élément de mise en scène dans l’art de la céramique ; elle est une composante qui révèle l’essence de chaque création.

La porcelaine, avec sa délicate translucidité, et les émaux, par leurs jeux de transparence, captent et modulent la lumière. En veillant à la sécurité qui accompagne l’utilisation de la lumière dans leurs œuvres, les potiers déploient un espace de créativité extraordinaire. C’est dans cet équilibre entre créativité et responsabilité que l’art céramique peut pleinement s’épanouir et continuer à émerveiller.

 

Centre de ressources
animé par Matthieu Liévois,
potier-céramiste depuis plus de 40 ans et fondateur de l’école Créamik

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