Le rôle crucial de l’eau en céramique
1 — Le rôle de l’eau dans la préparation de l’argile
2 — Le recyclage de l’argile séchée
3 — Une gestion durable de l’eau
4 — Ajuster la quantité d’eau selon les techniques céramique
5 — L’eau dans le processus de séchage et de cuisson
Lorsque l’on évoque la poterie au tour, l’image qui nous vient à l’esprit est celle de la terre prenant forme sous les mains du potier et s’achevant dans la chaleur intense du four. Cependant, avant même que l’argile ne rencontre le feu, c’est l’eau qui la prépare à cette transformation. Le rôle de l’eau en céramique est tout simplement crucial.
Le juste dosage de l’eau permet à l’argile d’acquérir la plasticité qui lui est nécessaire. Grâce à elle, le potier la manipule et la modèle avec facilité. L’eau agit comme un médiateur pour que l’argile passe d’une masse informe et compacte à une forme malléable et réceptive.
Mais le rôle de l’eau ne se limite pas à la préparation et au façonnage de l’argile. Elle est le compagnon fidèle à chaque étape du processus de la céramique, jusqu’à l’émaillage et la cuisson. Et lorsqu’intervient le feu, nous assistons à une transformation magistrale, où l’eau cède sa place, permettant au feu de durcir la terre et les émaux, donnant naissance à une œuvre issue du monde de la terre, tout en la transcendant.
Dans ce nouvel article, nous plongeons dans le rôle multiple de l’eau dans l’art de la céramique.
1 — L’eau et son rôle dans la préparation de l’argile.
La juste hydratation de l’argile active la plasticité et l’élasticité des particules d’argile sèche. Cette étape permet à l’argile de passer d’un état dur, voire sec et cassant, à un état où elle peut être travaillée et façonnée avec facilité et précision. L’hydratation n’est pas un processus hasardeux, la bonne consistance de la terre est le fruit d’une expérience acquise au fil du temps.
Trop d’eau, et l’argile devient trop molle, perdant de sa force et de sa forme ; trop peu d’eau, et la terre reste dure et résiste sous les mains du potier. Au tour, un potier peut se faire une tendinite aux poignets s’il travaille une terre trop dure.
Le céramiste, grâce à son expérience et son savoir, est capable de trouver ce point d’équilibre délicat où l’argile atteint une plasticité parfaite, permettant un travail sans effort excessif. La plasticité ne concerne pas seulement la facilité avec laquelle l’argile peut être manipulée, elle concerne aussi la capacité de l’argile à retenir la forme donnée par le potier. Il peut être agréable de tourner une terre très molle, car elle va se centrer facilement et donner l’illusion qu’on réussit facilement la pièce que l’on désire réaliser. Mais si la terre est trop hydratée, la pièce risque de se fendre, sur les côtés, dans le fond, et à terme, de s’effondrer.
Ainsi, l’hydratation de l’argile est bien plus qu’une étape préliminaire dans le processus de création en céramique. Son juste dosage est nécessaire dès que le pain de terre est extrait du sac et tout au long du façonnage de la poterie.
2 — Le recyclage de l’argile séchée
La démarche écoresponsable du céramiste prend tout son sens avec les techniques de recyclage de l’argile, permettant la réutilisation de la terre desséchée. Cette étape nécessaire peut se révéler fastidieuse et chronophage, elle a pourtant une place capitale dans le travail de tout céramiste. Essayons ici de trouver quelques astuces pour un recyclage optimal.
D’abord, laissez complètement sécher les copeaux issus du tournassage, et autres morceaux qui sont restés à l’air libre. Puis, réduisez tous ces déchets en petits morceaux, avec un marteau si nécessaire, afin de faciliter le phénomène d’absorption de l’eau ; mettez l’ensemble dans un seau. Ajoutez de l’eau, juste au ras de la terre. Cette immersion permet aux particules d’argile d’absorber l’eau et de retrouver leur plasticité. Le temps nécessaire à cette étape peut varier, il est conseillé de vérifier régulièrement la consistance de l’argile. L’expérience de ce procédé permettra d’évaluer le bon moment pour procéder au recyclage de la terre. Il est conseillé de mélanger régulièrement l’argile pendant ce processus pour assurer une réhydratation uniforme et prévenir la formation de grumeaux. À cette matière réhumidifiée, on pourra ajouter la barbotine de tournage.
Une fois que l’argile a atteint une consistance homogène, le processus de récupération peut continuer. À ce stade, la terre est encore trop molle, on peut continuer de différentes manières.
À l’école Créamik, nous versons la boue dans des sacs en tissu et nous les suspendons, ainsi le trop-plein d’eau s’écoule ; il est important de ne pas prendre des sacs trop grands pour qu’ils soient toujours faciles à soulever. Une fois la terre égouttée, nous la récupérons pour la mélanger à de la terre neuve grâce à la boudineuse de l’atelier. Mais le mélange avec de la nouvelle terre peut se faire aussi à la main, en suivant le procédé de battage et pétrissage classique enseigné à l’école. En mélangeant la terre récupérée à la terre neuve, on obtient un très bon mélange, de consistance parfaite, qui peut être utilisé directement au tour.
Certains potiers, qui ne mélangent pas la terre recyclée à de la terre neuve, ne sortent pas tout de suite la terre du sac, mais posent le sac tel quel sur un support en plâtre. Le fait de garder la terre dans le sac facilite la manipulation de la terre quand on la retourne pour la faire sécher correctement des deux côtés.
La terre une fois sèche est soit amenée en déchetterie, soit réhumidifiée pour en faire de la terre de tournage ou de coulage.
3 — Une gestion durable de l’eau
Le souci de recyclage de la terre s’accompagne du désir de ne pas gaspiller l’eau. Or, dans un atelier de céramique, l’eau est constamment utilisée. Si chaque élève possède une petite bassine d’eau pendant son tournage, nous avons optimisé le lavage des outils grâce à de grands récipients, en l’occurrence des poubelles, surmontées de tamis de chantier. La boue va couler au fond de la poubelle tandis que l’eau en surface reste claire. Ainsi chaque élève vient y rincer ses outils, qui ne tombent pas dans la poubelle grâce aux tamis immergés dans l’eau claire. Cela évite à chacun de faire couler de l’eau au robinet et d’entraîner une consommation d’eau excessive. La terre ainsi que les résidus d’émaux au fond de la poubelle sont évacués en déchetterie.
Enfin, on peut trouver auprès de la Chambre des Métiers de l’Artisanat, des interventions réunissant des artisans et des acteurs locaux, pour sensibiliser chacun à un usage responsable de l’eau et surtout pour initier une coopération afin de mettre en commun des idées et des ressources quant à la gestion durable de l’eau. Cela peut être judicieux de rester attentifs à ce que proposent les CMA en visitant régulièrement leur site.
4 — Ajuster la quantité d’eau selon les techniques céramique
Le souci de n’utiliser que l’eau nécessaire n’est pas qu’une question écologique. C’est avant tout une question de qualité du travail. Le potier est constamment en train de régler l’usage de l’eau.
Nous avons parlé du tournage et de la nécessité de ne pas noyer sa pièce au risque de la faire s’effondrer (c’est souvent le défaut du débutant). Il est d’ailleurs conseillé de tourner avec de la barbotine plutôt que de l’eau. De nombreuses autres techniques en céramique nécessitent un ajustement précis de la quantité d’eau.
- Plâtre et rondeaux
Si vous travaillez le plâtre et fabriquez vos moules et rondeaux, la quantité d’eau à ajouter est très précise pour en faire un outil efficace.
- Les pièces de coulage
Vous travaillez les pièces de coulage ? Là aussi, votre terre à couler doit répondre à un dosage précis entre la terre et l’eau :
- Les essais d’émaux
Vous préparez vos essais d’émaux ? Il vous faudra ajouter une toute petite quantité d’eau pour que vos essais d’émaux ne deviennent pas des jus… Sinon, vous aurez plusieurs heures à attendre que l’émail plombe pour enlever le trop-plein. Enfin, il faut aussi veiller à la qualité de l’eau elle-même, une eau dite dure, c’est-à-dire calcaire, peut avoir des répercussions sur le résultat final.
- Fabrication de l’émail
Lorsqu’arrive la confection de l’émail en grande quantité en vue de l’émaillage, là aussi il faut adapter l’ajout de l’eau. Il faut suffisamment d’eau pour que le broyage et le mélange se passent bien, sans en mettre trop au risque de devoir encore attendre que l’émail plombe pour enlever le trop-plein. Il faut se souvenir d’une règle : il est plus facile d’ajouter de l’eau que d’en enlever, alors la prudence est de mise quand on ajoute l’eau à une poudre d’émail. Si votre émail est trop dilué, les pièces seront gorgées d’eau lors de l’émaillage, et l’émail ne pourra pas se déposer en quantité suffisante. À la sortie du four, le résultat sera fade et pâle.
Ainsi, à toutes les étapes, le potier a les mains dans l’eau, ce qui peut rendre la peau sèche jusqu’à provoquer des crevasses. Pour prévenir cela, il est important de bien se laver les mains avec un savon approprié, et de se protéger les mains avec de la crème, tous les jours.
Petite mise en garde : ayez les mains bien sèches au moment de l’émaillage pour ne pas risquer de laisser du gras sur une pièce passée au dégourdi, ce qui empêcherait l’émail de se fixer correctement.
5 — L’eau dans le processus de séchage et de cuisson
Jusqu’à présent, nous avons parlé de l’eau, de son apport dans la terre et au cours du travail, apport dont nous sommes responsables. Ainsi, après avoir façonné et texturé les poteries, viennent les étapes cruciales du séchage et de la cuisson, deux moments distincts, mais intrinsèquement liés, où l’eau joue un rôle déterminant non pas par son ajout, mais par son retrait.
De la maîtrise du séchage à la préparation minutieuse de la cuisson, chaque étape a une influence déterminante sur le résultat final.
L’importance du séchage uniforme : nous évoquons régulièrement cette question parce qu’un séchage inégal entraîne des tensions internes dans l’argile provoquant des fissures et des déformations. Cette étape est cause de nombreux défauts qui apparaissent ensuite à la cuisson. Parfois il peut être bénéfique de couvrir la poterie d’un plastique pour ralentir le processus de séchage, permettant à l’eau de s’évaporer lentement et simultanément de toutes les parties de la pièce. De plus, il faut s’assurer que les différentes parties de votre pièce ont une épaisseur cohérente, car si ce n’est pas le cas, des tensions entraîneront des fissures.
La cuisson : Avant de placer une pièce dans le four, il est important de s’assurer que toute l’eau résiduelle a été complètement évaporée lors de l’étape de séchage. Si ce n’est pas le cas, il est judicieux de procéder à un ressuage. Cela consiste à finir de sécher les pièces dans le four en montant très lentement, jusqu’à 200 °C en 8 heures environ. Une pièce non sèche éclatera certainement lors de la cuisson. L’eau contenue dans la terre va passer à l’état gazeux dont le volume est bien supérieur à l’état de l’eau liquide, donc la pièce ne résistera pas.La pièce sera perdue et le four probablement endommagé. Par ailleurs, l’eau a pu faciliter la migration de certains éléments dans l’argile, entraînant des défauts, comme les boursouflures par exemple, il est donc important de connaître le comportement des oxydes dans l’eau pour en maîtriser l’utilisation.
À ce stade du travail, on découvre le rôle chimique de l’eau. Les pièces ont été séchées et au cours de la cuisson, ce sont les molécules H2O structurant la matière qui vont disparaître. C’est pour cette raison que la taille d’une poterie diminue beaucoup au cours de la cuisson. Le retrait de l’eau de la structure même de la matière est une réaction irréversible qui donne à la céramique sa solidité définitive.
Conclusion
Alors que tout au long du processus de création, l’eau a été un facilitateur du travail, à la fin, elle se retire complètement pour permettre à l’argile de devenir une œuvre solide et durable.
Ainsi se vit la magie de la poterie : l’eau, la terre et le feu se combinent pour des créations uniques !
Centre de ressources
animé par Matthieu Liévois,
potier-céramiste depuis plus de 40 ans et fondateur de l’école Créamik
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