Créer des céramiques uniques avec les techniques pour émailler par superposition de Matthieu Liévois
Vous connaissez Matthieu Liévois comme potier professionnel et formateur, mais saviez-vous qu’il est également spécialiste dans la création d’émaux ? Il a travaillé plus de 40 ans à perfectionner ses techniques, à force de tests et de recherches pour trouver des couleurs et des textures uniques.
Il est surtout reconnu pour sa maîtrise de la cristallisation, un phénomène naturel identique à celui des flocons de neige, mais dans le cas de l’émail, cela se produit à haute température (autour de 1280°C). C’est une technique qui nécessite l’utilisation de recettes d’émaux particulières et une méthode de cuisson rigoureuse. Il faut notamment pratiquer des paliers lors de la redescente de température (on maintient le four à une température précise pendant une certaine durée, ce qui permet aux cristaux de se former).
Mais la véritable expertise de Matthieu, c’est la superposition des émaux.
- Soit par une technique relativement classique qui consiste à superposer des émaux standards, mais ce qui est spécial, c’est qu’il arrive à en superposer jusqu’à 7 sur la même céramique !
- Soit par une technique beaucoup plus rare qui consiste à superposer trois couches d’émaux incluant des émaux de cristallisation. Cela lui permet de créer des effets de paysage pour des céramiques aux décors subtils, inattendus et uniques.
Vous voulez en savoir plus sur ces techniques avancées d’émaillage par superposition ? Nous vous disons tout dans cet article.
Émaillage par superposition de 7 émaux classiques pour créer des effets de mouvements inédits
La superposition des émaux permet d’aller plus loin que la simple coloration d’une céramique, elle permet de créer de véritables tableaux, des paysages ou des motifs.
La magie de l’émaillage est que l’on n’a qu’un contrôle partiel sur le résultat, car la réaction des émaux à la cuisson, si elle peut être influencée, ne peut être totalement maîtrisée. Ainsi la création par superposition d’émaux de céramique sera un savant mélange de savoir-faire et de mystère et surtout, ce sera une pièce absolument unique. En effet, il est impossible de créer deux pièces identiques.
Ainsi, à chaque fois que Matthieu ouvre le four à la fin d’une cuisson d’émail, c’est toujours un moment magique, où l’impatience se mêle à l’appréhension, car on ne sait jamais quels motifs vont se révéler et quel paysage va apparaitre.
Superposer les émaux pour jouer avec les couleurs
Pour créer un tableau avec de l’émail céramique, il faut désapprendre ce que l’on sait de la couleur ! Il faut aller à l’encontre de ce que notre intuition nous dicte, car superposer un émail jaune à un émail bleu ne vous donnera pas une céramique verte. En effet, les règles de mélange des couleurs que l’on utilise pour la peinture ne s’appliquent pas ici. C’est la fusion des poudres d’oxydes et de roches, qui donnera sa couleur à l’émail.
Parce que les poudres d’émail sont principalement blanches et que les couleurs ne se révèlent qu’après la cuisson, il est impossible de modifier le rendu en ajoutant progressivement des touches de couleurs. Pour cette raison, Matthieu commence toujours ses créations par un exercice de visualisation. Il dessine un schéma de sa pièce en tenant compte des différentes propriétés de ses émaux :
Il procède ensuite au choix des couleurs à utiliser sur la base d’une vision globale de la pièce. C’est-à-dire que s’il cherche un rendu final plutôt clair, il appliquera en premier des émaux foncés et ensuite progressivement des émaux de plus en plus clairs. S’il cherche un rendu plus sombre, il fera l’inverse.
Utiliser la technique des superpositions pour créer des effets décoratifs
Sur les 7 émaux différents utilisés par Matthieu, seulement deux ou trois apporteront des couleurs différentes. Les autres seront utilisés pour créer de la texture, des effets de mouvement, et des dégradés de couleur. Encore une fois, les effets obtenus ne sont pas dû au mélange des différentes couleurs, mais à la superposition d’émaux aux fusibilités différentes.
Par exemple, la technique pour obtenir un dégradé de vert ne consiste pas à utiliser trois verts différents, mais plutôt d’appliquer en sous-couche un émail sombre, presque noir, puis d’appliquer par-dessus l’émail apportant la coloration verte. Ensuite, à certains endroits, on applique un émail transparent, dont la fusibilité importante augmentera celle de toutes les couches inférieures. A cet endroit, l’émail noir posé en première couche passera plus facilement au travers de l’émail vert, et assombrira sa couleur.
On peut également influencer le rendu en appliquant plusieurs couches d’un même émail pour jouer sur son épaisseur ou en utilisant différentes techniques d’application : à la louche, par trempage ou au pistolet. Vous l’aurez compris, les combinaisons possibles pour l’application de 7 couches successives d’émaux sont infinies !
Mais l’expérience a cependant permis à Matthieu de trouver des tendances, qui guident ses choix, en voici quelques-unes.
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Particularités de cuisson permettant de créer des effets décoratifs spécifiques sur la céramique
L’effet de bouillonnement : lorsque l’émail appliqué en premier est plus fusible que celui placé au-dessus, il va passer au travers en créant des taches similaires aux bulles de l’eau qui bout. On appelle aussi cet effet un phénomène de fourrure ou de plumes de perdrix.
L’effet de retirement, ou de rétractation : lorsque la couche supérieure est un émail plastique – c’est-à-dire qui gonfle comme une éponge lorsqu’il est gorgé d’eau, et se rétracte comme la boue d’une marre asséchée, lorsque l’eau est absorbée par la céramique – au moment du séchage, le retrait va créer des craquelures à la surface de l’émail :
Combiner la superposition à la cristallisation pour créer des céramiques absolument uniques
La superposition la plus classique lorsque l’on pratique la cristallisation consiste à appliquer un engobe coloré (ce qui apporte de la couleur sans risquer des coulures, car il est plus stable), puis un émail de cristallisation transparent. Les cristaux révèleront la couleur de l’engobe en dessous, donnant de très beaux effets.
Mais Matthieu voulait créer des effets de paysages plus complexes et subtils, il a donc choisi de ne travailler que par superposition d’émaux (sans engobes). Cela est beaucoup plus risqué, puisque l’accumulation d’émaux, tous susceptibles de couler et de s’influencer les uns les autres, multiplie les risques de ratés. Ainsi, comme vu précédemment, le rendu est aléatoire, mais lorsque la magie opère, des pièces totalement uniques ressortent du four, impossibles à répliquer et dont la beauté ne cesse de l’émerveiller.
Superposition et cristallisation, une technique d’émaillage subtile
Parce que les recettes de cristallisation demandent un équilibre très subtil pour que les cristaux se forment, Matthieu se limite donc à 3 émaux différents.
On ne peut pas prévoir à l’avance où se développeront les cristaux d’une céramique. En revanche, on sait là où ils ne pourront pas se développer, grâce à l’application d’une sous-couche empêchant la cristallisation.
Attention, là encore, il faudra anticiper la réaction probable des émaux. En effet, si l’on peut empêcher le développement de cristaux localement, on ne peut pas empêcher que ceux qui se sont développés ailleurs sur la céramique glissent sur l’émail en fusion et se fixent au refroidissement là où on ne les attendait pas.
Prévoir à l’avance comment vont se comporter les différentes couches d’émaux est tout l’art du céramiste d’expérience. Beaucoup de tests et d’observations ont été nécessaires à Matthieu pour trouver le bon dosage des poudres d’émaux, les bons choix de superposition, les bons gestes d’application, permettant les rendus spectaculaires de ses céramiques.
Utiliser la technique de superposition pour corriger un défaut sur une céramique
Les superpositions sont utiles à des fins esthétiques, mais elles sont également pratiques pour corriger une céramique sortie du four avec un défaut. Il suffit d’ajouter une couche d’émail.
Mais, me direz-vous, l’émaillage est une technique qui consiste à faire accrocher l’émail à la céramique en faisant en sorte que l’eau qu’il contient soit absorbée par la terre encore poreuse. Or, une céramique déjà émaillée et cuite n’est plus poreuse, il faut donc avoir recours à une petite astuce pour que l’émail tienne :
Il faut chauffer la céramique émaillée à 150°C, puis la réémailler encore chaude (en portant des gants bien-sûr), pour que l’eau contenue dans l’émail s’évapore au contact de la surface déjà émaillée. Il suffit ensuite de replacer la pièce dans le four, pour lui faire subir un second cycle entier de cuisson.
Il faut cependant bien garder à l’esprit que la totalité de l’émail va à nouveau entrer en fusion. Ce n’est donc pas seulement là où vous aurez corrigé le défaut que la céramique va changer. Elle ne ressemblera peut-être plus du tout à ce à quoi elle avait l’air la première fois que vous l’avez sortie du four !
C’est d’autant plus vrai pour les émaux de cristallisation : les cristaux qui étaient apparus lors de la première cuisson vont fondre et disparaître et d’autres cristaux vont apparaitre, coulant peut-être à d’autres endroits.
Cela donne parfois des résultats magnifiques comme sur cette céramique, mais ils sont encore plus difficiles à répliquer, car le nombre de variables a été démultiplié.
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animé par Matthieu Liévois,
potier-céramiste depuis plus de 40 ans et fondateur de l’école Créamik
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